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Dans un court mais substantiel article du bulletin de Foreign Affairs, G. Blair, C. C. Fair, E. A. Walsh, N. Malhotra et J. N. Shapiro défendent l'idée que l'aide économique ne réglera pas le problème de l'extrémisme. L'idée n'est pas neuve mais elle est judicieusement rappelée au moment où de graves difficultés financières frappent les États-Unies et dans contexte d'une remise en question de la coopération avec le Pakistan dans la lutte au terrorisme. Or, comme le disent les auteurs, il y a de bonnes raisons d'aider ce pays économiquement, mais il ne faut pas espérer que ce type d'aide empêchera l'extrémisme d'y prospérer, car c'est souvent parmi la classe moyenne, voire supérieure, que ce type de radicalisation s'opère.
Les auteurs citent une enquête à l'appui de leur thèse :
Foreign Affairs July/August 2011 |
"To test the assumption that poor people are more likely to become radicalized, we fielded a 6,000-person, nationally representative survey of Pakistanis in the four provinces of Punjab, Balochistan, Sindh, and Khyber Pakhtunkhwa (formerly North-West Frontier Province) in the spring of 2009."
Les résultats de l'enquête ont révélés que les participants étaient généralement peu favorables aux organisations militantes, que les Pakistanais vivants dans les parties du pays les plus violentes détestaient ces groupes, et que les plus pauvres d'entre eux - et surtout ceux des villes - détestaient encore plus que la moyenne ces organisations. Les résultats de l'enquête amènent donc les auteurs à conclure que le lien entre le statut socio-économique des individus et l'extrémisme était boiteux. Les politiques fondées sur cette hypothèse pour lutter contre l'extrémisme sont donc elles aussi douteuses.
Voici la conclusion des auteurs :
"Most governments, including that of the United States, are still reeling from the global recession and looking to make budget cuts where possible. Development assistance aimed at alleviating poverty should not be stopped; countries such as Pakistan have legitimate development needs pertaining to education, health care, and economic growth to support its massive youth bulge. But expecting those programs to reduce militancy is misguided. There are many good reasons to offer development assistance, but counter-radicalization, counterinsurgency, and counterterrorism are not among them."
Je ne me prononcerai pas sur l'origine absolue du terrorisme. Mais, il pourrait s'agir, dans certains cas, de causes politiques : celles qui sont exprimées par les terroristes eux-mêmes, qui sont certainement pas tous des malades mentaux. Dans le cas d'Oussama Ben Laden par exemple, il s'agissait de la politique menée par les États-Unies au Moyen Orient. Politique qui avait pour conséquences d'humilité des millions de musulmans, de piller les richesses pétrolifère de l'Arabie, de maintenir en place régimes autoritaires qui en profitent. Ben Laden n'avait rien en soi contre le mode de vie des Américain, pas plus que contre celui des Norvégien ou des Suédois. Il croyait, à tort, que le type d'action qu'il menait pouvait infléchir la volonté des Américains et les amener à changer leur politique. Il a aussi cru que les coups spectaculaires pouvait créer une dynamique à l'intérieur du monde musulman, initier un mouvement populaire irrésistible qui pourrait renverser la vapeur et chasser les usurpateurs du pouvoir.
Le "printemps arabe" est, en ce sens, une demi-victoire pour les extrémistes. Ils souhaitaient le départ de dictateurs comme Moubarak ou Ben Ali. (Ils espèrent encore plus celui de Mohammed V, véritable incarnation de la tradition qu'ils défient et voudraient pouvoir remplacer.) Mais, le "printemps arabe" peut déboucher sur des réformes qui n'iront pas nécessairement dans le sens que les extrémistes souhaitent, le sens d'une plus grande démocratisation. Ce qui serait un recul pour les zélotes de la charia. Les dés ne sont toutefois pas encore jetés. Il y a encore une carte dans le jeu des extrémistes. Cette carte est une sorte de "joker". Une carte ambiguë car elle a deux visages, un visage beaucoup plus "doux" que celui d'Al Quaida ou des autres groupes armés, mais un autre visage, plus proche d'eux, en terme d'objectif à long terme, voire très long terme, offrir au monde entier la liberté de choisir le salut par la fidélité à la vraie religion !